"Le Royaume de Dieu" extrait.

Les royaumes du Christ


Le peuple juif attendait l’établissement d’un État. C’est un état dont Jésus apporta la révélation.
Cet état, il le présente accessible à trois niveaux :
– Dans l’au-delà, selon une croyance relativement récente en la résurrection  (réfutée par les sadducéens).
– Sur terre, dans un futur "proche", selon la conception classique de l’attente juive.
– Immédiatement disponible ici-bas.
Il se gardera de jamais préciser la nature de l’Éden attendu. Trois ans durant, il s’évertuera plutôt à en indiquer le chemin.
(…)
- Un Royaume immédiatement accessible. Voilà la grande nouveauté, voilà la Bonne nouvelle, grandeur du christianisme, et que le christianisme aura trop négligé, jusqu'à tout récemment.
 Mettant ses prêches dans les prêches des prophètes, Jean-Baptiste annonçait un Royaume imminent… c'est-à-dire pour l'heure absent. Sans doute Jésus adhéra-t-il d'abord à cette vue. Sans doute crut-il proche le bouleversement annoncé par les apocalypses. Mais – par un renversement déterminant mal souligné par l'enseignement chrétien bimillénaire – il  reçut ensuite la révélation que le Royaume était là, disponible à qui, plaçant sa confiance en Dieu, entrait dans l'amour universel * 4.
 "Si c'est par le doigt de Dieu"… que je te guéris, toi qui as foi et confiance, alors c'est sa puissance qui se manifeste, disposée immédiatement à te recevoir dans son amour.

 Cette puissance reçoit le cœur pur, le pauvre et l'affligé,  mais aussi le méchant,  mais aussi le riche – n'en déplaise à une erreur pérenne d'interprétation * 5. Nous verrons bientôt à quelles conditions.

 Jésus appelle cette réception dans la joie de Dieu, "le Royaume,  "la vie", "la vie éternelle". Une vie éternelle possible déjà ici-bas et maintenant ! "Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu" Jean 17, 3.


(…)

Les limites de l'interprétation par l'Église


 Jusqu'à la seconde moitié du dernier siècle, le christianisme se focalisa sur la perspective de l'au-delà. Le bonheur avouable relevait uniquement du ciel.  Le comportement terrestre tenait sa consistance du jugement final, ouvrant ou fermant la porte du Paradis.  L'Enfer puis le Purgatoire * 6 s'invitèrent au banquet de la souffrance éventuellement  rédemptrice.

On oublia quasiment le Royaume immédiatement disponible – la félicité de l'entrée dans l'amour universel. On comprit comme réservée aux morts cette "vie éternelle", métaphore qui évoquait pourtant une existence bienveillante menée ici-bas. Une partie des spécialistes des textes – et jusqu'à l'excellent Bultmann – représenta un Jésus finalement assez peu intéressé par les soins de ce monde. Bref, on tourna à peu près le dos au véritable message jusqu'à se focaliser sur le Christ ambigu * 7  de Jean "qui reviendra pour juger les vivants et les morts"… et abandonne à peu près la terre à Satan, "le Prince de ce monde" !